La jurisprudence a fait état de contentieux auprès des Cours Administratives d’Appel (CAA) au sujet des dotations aux amortissements entrant dans l’assiette du Crédit d’Impôt Recherche (CIR). La doctrine fiscale s’est appuyée notamment sur le a du II de l’Article 244 quater B du CGI, l’Article 49 septies I de l’annexe III du CGI, et le BOI-BIC-RICI-10-10-20-10 du 04/04/2014.
- Arrêt de la CAA de Bordeaux, 5ème chambre, 19/05/2020, 18BX01407 : Le Tribunal Administratif a refusé la dotation d’un prototype immobilisé inscrite dans l’assiette du CIR. La société déclarante, s’est estimée lésée, affirmant que la mise au rebut de la machine constituant le prototype, élaborée au cours des travaux de recherche des années précédentes, ne justifiait pas l’impossibilité de prendre en compte la dotation dans le CIR. L’instruction a révélé que la société n’avait déposé aucune déclaration de CIR au titre des années antérieures à l’année en litige, années au cours desquelles le coût des recherches liées à l’élaboration du prototype aurait pu être comptabilisé. La Cour a confirmé que l’amortissement exceptionnel comptabilisé suite à la mise au rebut de la machine n’était pas éligible au CIR. Les dotations aux amortissements s’appliquent aux dépenses immobilisées engagées pour élaborer le prototype, et non à l’amortissement du prototype lui-même. Comme l’indique le II-A) du BOI-BIC-RICI-10-10-20-10 : « Les biens concernés doivent être affectés directement à la réalisation d’opérations de recherche … le cas des instruments de manipulations, des instruments de calcul, des ordinateurs, des machines servant à fabriquer les pièces entrant dans la composition d’un prototype ». Par ailleurs, la Cour rappelle qu’une mise au rebut n’équivaut pas à une destruction par sinistre, prévue par le législateur en vertu du a bis) de l’article 244 quater B, et qui aurait permis à la société de bénéficier de la prise en compte de la dotation aux amortissements dans la base du CIR.
- Arrêt de la CAA de Versailles, 3ème chambre, 28/05/2020, 18VE03123 : L’appelant, le Ministre chargé de l’Economie et des Finances, a demandé à la Cour de revenir sur l’acceptation des dépenses liées aux dotations aux amortissements décidée par la juridiction de premier ordre (TA Lille). L’intimé avait imputé dans l’assiette fiscale, les dotations liées à l’achat de matériel informatique, en l’occurrence des contrôleurs de baies et des commutateurs. Le Ministre a soutenu que ces équipements ne permettaient pas en eux-mêmes de réaliser les programmes de recherche. La Cour a tranché en faveur du contribuable, stipulant que ces matériels informatiques (contrôleurs, commutateurs) devaient être pris en compte dans l’assiette des dépenses éligibles au même titre que les ordinateurs, équipements informatiques, serveurs dont les dotations aux amortissements, avaient, par ailleurs, déjà été acceptées par l’administration fiscale à l’issue du contrôle. La Cour pointe l’hétérogénéité de traitement de ces dépenses pourtant employées de concert pour les travaux de R&D. L’arrêt considéré est consistant avec un autre arrêt de cette même Cour qui avait autorisé la prise en compte dans les dépenses éligibles des dotations liées aux switch, onduleurs et imprimantes.
- Arrêt de la CAA de Bordeaux, 5ème chambre, 16/06/2020, 18BX02150 : L’administration fiscale puis la juridiction de premier ordre ont rejeté les dépenses liées aux dotations d’un logiciel de gestion de stock, de clientèle, de fournisseurs , employé par le contribuable pour ses travaux de recherche. Sous réserve de l’éligibilité de la dépense, le vérificateur a remis en cause la justification du prorata R&D à indiquer en appui de la déclaration. En effet, selon l’extrait du BOFIP BOI-BIC-RICI-10-10-20-10 04/04/2014 : « Les biens concernés doivent être affectés directement à la réalisation d’opérations de recherche … En cas d’utilisation mixte d’une immobilisation à des opérations de recherche et de fabrication, les amortissements sont pris en compte au prorata du temps effectif d’utilisation des biens pour la recherche, à condition que l’entreprise puisse déterminer avec précision le temps l’utilisation du bien à des fins de recherche ». La déclaration de ce prorata R&D semble donc encore plus nécessaire et doit être indiqué dans le dossier justificatif initialement remis à l’administration fiscale lors d’un contrôle. Toute justification postérieure, par exemple en cours de contentieux, peut être au détriment du déclarant, comme illustré ici.